mercredi 12 octobre 2016 par Isabelle Halary
Pendant la phase d’euphorie boursière des années 90, une thèse semblait presque faire l’unanimité : La hausse des cours aurait été justifiée par la formation sans précédent d’actifs immatériels
Isabelle Halary, CERAS-LAME, Université de Reims
Introduction
Pendant la phase d’euphorie boursière des années 90, une thèse semblait presque faire l’unanimité : La hausse des cours aurait été justifiée par la formation sans précédent d’actifs immatériels. Ainsi, pendant l’été 1999, Nakamura écrivait-il : “Is there any rational reason to believe that profits should grow strongly in the future and thereby justify the high valuations placed on shares ? In fact, there is. As we shall show, rising investment in intangible assets reduces measured current profits and raises expected future profits.” (1999, p.7)
Puis pendant la dépréciation générale postérieure à mars 2000, il y aurait eu disparition ou autodestruction de ces intangibles. De fait, des goodwills impressionnants ont été rayés d’un trait de plume.
La question de la valorisation des actifs immatériels par les marchés financiers doit être resituée dans une problématique plus large. Il s’agit en effet d’interpréter la concomitance entre deux évolutions à la fois parallèles et contradictoires : d’une part l’avènement d’une nouvelle phase du capitalisme dans laquelle la connaissance est au centre de la création de valeur et de l’accumulation du capital (capitalisme cognitif, Vercellone 2004), d’autre part l’importance croissante des marchés financiers et de leurs acteurs dans la régulation de cette économie.
Compte tenu de l’importance des actifs intangibles non seulement pour les marchés financiers mais surtout pour le mode de croissance actuel, la question de leur évaluation est de plus en plus souvent posée par la littérature, tant en sciences de gestion qu’en sciences économiques. Sur ce point bon nombre de méthodes coexistent et se font concurrence. Le débat sur le choix entre comptabilité aux coûts historiques et évaluation à la juste valeur (fair value) ne semble pas épuisé. Mais la doctrine qui semble s’imposer attribue à la bourse une compétence indiscutée lorsqu’il s’agit d’évaluer l’essentiel de ces actifs bien particuliers. On peut légitimement se demander si une telle confiance dans les mécanismes de marché est fondée.
Il ne s’agit pas ici de nier la formation d’actifs immatériels ou l’importance de ces derniers dans la croissance actuelle mais de mettre en question la liaison systématiquement établie ou supposée entre actifs immatériels et capitalisme financier. Nous nous demanderons tout d’abord si l’on peut raisonnablement créditer les marchés boursiers d’une réelle capacité à évaluer les actifs immatériels (I), autrement dit si la survaleur ou goodwill peut être assimilée à la valeur de ces actifs. Puis, face à l’ampleur des difficultés rencontrées par les comptables et experts dans cette évaluation, nous nous interrogerons sur la signification profonde de leur démarche (II).
I. Valorisation boursière et actifs immatériels : une causalité pertinente ?
Les actifs classés dans la catégorie des intangibles renvoient en fait à des réalités assez diverses et nous commencerons par en examiner le contenu. Nous verrons alors que dans ce poste du bilan des entreprises, les notions les plus floues l’emportent largement sur les actifs bien identifiés (A). Nous discuterons ensuite plus précisément le concept de goodwill. Nous verrons que le raisonnement libéral à son endroit est circulaire et ne permet pas de lever l’indétermination de la valeur des actifs immatériels (B). Par conséquent, loin de donner du sens, ce concept transmet la volatilité des marchés financiers au cœur de la comptabilité (C). A. Le goodwill : un élément disproportionné par rapport aux actifs immatériels bien identifiés 1. Différents types d’actifs
Selon le FASB (Financial Accounting Standards Board), “ Un actif est un ensemble de profits futurs probables obtenus ou contrôlés par une entité donnée suite à des événements ou des transactions passées ”. L’actif est immatériel lorsqu’il est non monétaire et dépourvu de toute substance physique.
De nombreuses typologies ont été proposées pour répertorier les actifs immatériels, qui sont fondées sur au moins trois distinctions complémentaires. Le première d’entre elles concerne leur degré de séparabilité : Certains de ces actifs sont en effet identifiables et valorisables en tant que tels : c’est le cas par exemple des brevets ou des marques déposées. Les autres, bien que plus nombreux et contribuant à la création de valeur, ne sont ni identifiables ni valorisables séparément : on pensera ici à l’effet de la formation du personnel ou de progrès réalisés dans l’organisation du travail, aux savoir-faire, aux réseaux de relations. Ces actifs non séparables correspondent bien à des dépenses mais présentent la particularité soit de ne pouvoir être pleinement contrôlés par l’entreprise, soit de produire des effets trop complexes et présentant de trop nombreuses interactions pour pouvoir être isolés.
Une seconde distinction concerne la provenance de ces actifs : certains d’entre eux sont acquis, soit isolément, soit à travers une opération de croissance externe (fusion-acquisition en particulier). Ces actifs font alors systématiquement l’objet d’un enregistrement comptable et sont donc valorisés. En revanche, les actifs immatériels créés en interne ne sont pas pris en compte par la comptabilité, à l’exception des dépenses de recherche-développement dans certains systèmes nationaux à condition que ces dernières puissent être enregistrées séparément et qu’il soit établi qu’elles sont susceptibles d’engendrer des effets économiques positifs pour l’entreprise [Nussenbaum, 2003].
Une troisième distinction concerne le degré de protection juridique de ces actifs, protection qui ne peut être accordée que sur des éléments identifiables. Sur ce plan, Gordon Smith et Russel Parr [1989] distinguent les droits et la propriété intellectuelle. Les droits résultent de contrats passés avec des tiers : contrats de licences et de franchises, contrats de vente à fournir... La propriété intellectuelle correspond aux produits de la création intellectuelle protégés par la loi, à savoir les secrets de fabrication, brevets, droits de reproduction, marques, logiciels, circuits imprimés et droits de publicité. Les autres actifs immatériels, notamment parce qu’ils sont non identifiables ou non séparables, ne font l’objet d’aucune protection juridique. Ils sont souvent incorporés à des personnes humaines ou d’essence organisationnelle diffuse [Pierrat et Martory, 2000] .
En reliant certaines de leurs caractéristiques, on peut donc constituer deux grands groupes d’actifs immatériels : d’un côté les actifs séparables, clairement identifiés et couverts par une protection juridique, de l’autre ce que nous appellerons les actifs diffus, parce que mal identifiés, non séparables et donc non mesurables en tant que tels, qui ne sont pas reconnus juridiquement. Bien entendu la comptabilité privée ne peut traiter ces deux catégories de façon semblable, ce qui va engendrer quelques distorsions.
2. Des traitements différenciés qui accordent un poids disproportionné au goodwill
Les actifs incorporels affectés (identifiés séparables et répertoriés par les plans comptables des différents pays) sont évalués individuellement selon la méthode du coût historique (cas des logiciels ou brevets acquis à l’extérieur) ou à leur juste valeur (fair value, qui est en train de devenir la référence dominante). La méthode de la juste valeur renvoie elle-même à deux approches possibles : soit il existe un marché suffisamment large pour ce type d’actif et on l’enregistre à sa valeur constatée sur le marché à un moment donné (ce qui suppose un suivi et des réévaluations périodiques) ; soit il n’existe pas de marché pour ce type d’actifs ou un marché trop étroit pour que le prix qui s’y établit puisse servir de référence et l’on évalue l’actif par la somme des revenus futurs nets actualisés que l’on peut en attendre, autrement dit par sa valeur d’usage, ce qui, notons le simplement pour l’instant, pose le problème des anticipations dans un environnement incertain.
Les actifs non identifiés, parce que non séparables, relèvent d’une logique comptable différente : s’il s’agit d’actifs créés en interne, ils ne sont pas pris en compte par la comptabilité durant la vie normale de l’entreprise, c’est à dire jusqu’à ce qu’une rupture particulière telle que la fermeture ou le rachat impose d’évaluer chacun des actifs. Si au contraire ils sont acquis lors d’une opération de croissance externe, ils constituent une interprétation possible du goodwill. On n’insistera jamais assez sur le fait qu’il ne s’agit là que d’une interprétation, fortement marquée idéologiquement au demeurant, de la catégorie comptable dénommée “ survaleur ”. A ce propos, Maurice Nussenbaum explique très clairement : “ Comptablement, c’est l’écart entre le prix payé pour l’acquisition d’une entreprise, ou d’un groupe d’actifs et la valeur totale réévaluée des actifs identifiés (corporels et incorporels). Il faut bien comprendre qu’il ne revient pas à la comptabilité de se prononcer sur la nature du goodwill puisqu’elle ne le définit que comme un solde. Il revient ainsi aux économistes de dire si ce solde correspond à une réalité économique ou à un simple sur-prix payé pour acquérir l’ensemble des actifs de l’entreprise ” [2003, p.76].
De ce doute persistant laissant place à l’analyse et au questionnement, rien ne subsiste dans la littérature libérale qui s’empresse d’apposer un signe d’équivalence entre goodwill d’une part et actifs immatériels non identifiés d’autre part. De nombreux économistes ont ainsi utilisé le coefficient q de Tobin, défini comme le rapport de la valeur de marché d’une firme à la valeur de remplacement de ses actifs, pour évaluer le capital immatériel d’une entreprise. Pour Griliches (1981) puis Cockburn et Griliches (1988), la recherche développement et les brevets déposés expliqueraient les variations du coefficient q. Reprenant cette perspective avec des données plus récentes, Megna et Klock (1993) parviennent à des résultats plus nuancés : le capital immatériel contribuent selon eux à la variation du coefficient q mais ne l’explique pas complètement : les effets liés à la spécificité de la firme sont significatifs, ce qui indique qu’il subsiste des différences substantielles entre les coefficients q au sein de chaque industrie, même après l’ajustement prenant en compte le capital immatériel de chaque firme. Mais globalement, la démarche assimilant les actifs immatériels au goodwill semble dominante.
Or les chiffres concernant les opérations d’acquisition des dix dernières années nous conduisent à remettre sérieusement en question une telle affirmation. Dans toutes ces opérations en effet, le goodwill enregistré est totalement disproportionné par rapport aux autres actifs acquis, qu’ils soient corporels ou incorporels, et occupe même souvent l’essentiel de la valeur globale de la transaction réalisée. En reprenant quelques exemples d’acquisitions réalisées par des firmes de l’industrie électronique américaine, on ne peut que douter du caractère significatif du goodwill .
Au second trimestre 2002, la firme Solectron (fabricant sous contrat de matériel électronique et informatique) a fait l’acquisition de C-MAC (entreprise du même secteur) au prix de 2 567 millions de dollars (Solectron, rapport annuel 10 K du 14 novembre 2003). Le goodwill enregistré à l’occasion de cette transaction s’est monté à 2 146 millions, soit 83 % du prix de l’opération, tandis que les actifs immatériels identifiés enregistrés dans la comptabilité de C-MAC atteignaient 25,6 millions, soit à peine 1 % de la somme versée.
Toujours dans le même secteur, en décembre 2002, la firme Vishay rachète l’entreprise BCcomponents Holdings B.V. pour un montant de 233 millions de dollars, auquel il faut ajouter la reprise d’une dette de 274 millions de dollars, soit un coût total de l’opération de 510 millions (Vishay, rapport annuel 10 K du 31 mars 2003). Le goodwill enregistré sur cette transaction a été de 236 millions, soit 46 % de son coût, tandis que les autres intangibles (identifiés et spécifiés) atteignaient 43 millions, soit 8 % du coût de l’opération.
En décembre 2001 enfin, Sanmina (fabricant sous contrat de matériel électronique et informatique) a racheté SCI (même secteur) au prix de 4 410 millions de dollars (Sanmina-SCI, rapport annuel 10K du 9 décembre 2003). Le goodwill enregistré sur cette opération s’est monté à 4 286 millions, soit 97 % du montant de la transaction.
En multipliant les exemples, on retrouve le poids considérable du goodwill tandis que les actifs incorporels bien identifiés et enregistrés séparément n’occupent qu’une place modeste au bilan des entreprises rachetées. Si la thèse libérale selon laquelle le goodwill représente effectivement la valeur globale des actifs immatériels non spécifiés était vérifiée, cela signifierait que les entreprises cibles, pendant les quelques années précédant leur rachat, auraient investi très lourdement dans des actifs immatériels diffus, peu identifiables, ou dont les résultats ne peuvent être contrôlés par l’entreprise, en se contentant d’investir très peu dans des incorporels clairement identifiés tels que les brevets, les marques et autres accords de moyenne période sur la vente de leurs produits. Or, lorsque l’on connaît la pression que les actionnaires exercent sur les firmes dans le nouveau gouvernement d’entreprise, on sait que ce sont au contraire les projets d’investissement clairement définis dont les objets sont bien identifiés qui sont privilégiés. Certains économistes libéraux, dont Leonard Nakamura [1999], expliquent ce paradoxe par le fait que la Recherche-Développement en cours est enregistrée comme une charge dans la comptabilité américaine et ne peut donc être capitalisée pour constituer un actif immatériel (à quelques exceptions près toutefois, comme dans le cas des coûts de développement d’un logiciel, norme FASB 86). Effectivement, ce n’est que lorsque ces dépenses accumulées en Recherche-Développement débouchent effectivement sur le dépôt d’un brevet que ce dernier peut être évalué par un expert et intégré au bilan parmi les actifs incorporels de la firme. Dès lors, selon les économistes libéraux, le goodwill représenterait notamment le capital de connaissances accumulé grâce à la R-D en cours ou récente : “ Au fil des ans, les études menées ont régulièrement montré que les dépenses en R&D d’une firme accroissent la valeur de marché de cette firme d’un montant au moins équivalent à ces dépenses ” explique Nakamura [1999, p. 8].
Mais lorsque l’on intègre la R-D accumulée et amortie dans les cas que nous avons cités précédemment, une telle explication ne paraît pas soutenable. A partir des chiffres fournis par Sanmina et SCI par exemple, nous capitalisons les dépenses de R-D en adoptant un amortissement linéaire sur six ans, comme le fait Nakamura. Avant son acquisition par Sanmina, SCI a enregistré des dépenses de R-D allant de 33,5 à 37,3 millions de dollars par an entre 1996 et 2001, d’où une R-D capitalisée de 143,59 millions de dollars juste avant l’acquisition, soit 3,3 % du prix payé par Sanmina pour le rachat de SCI. Rappelons que le goodwill enregistré sur cette opération de concentration était de 4 286 millions de dollars, soit 97 % du prix de l’acquisition. Donc, même si l’on admet bien volontiers que les agences de notation et autres analystes financiers intègrent la R-D dans leurs critères d’évaluation des firmes, les écarts sont tels entre la valeur des éléments immatériels bien spécifiés (autres actifs immatériels et R-D accumulée) d’une part, et le goodwill d’autre part que l’on ne peut considérer ce dernier comme une valeur d’équilibre des actifs immatériels non identifiés.
Par ailleurs, les récentes faillites d’Enron et de Worldcom ont introduit un sérieux doute quant à la réalité des actifs immatériels qui étaient censés justifier le goodwill de ces firmes. Ainsi, selon Quick et Goldschmid : « Instead of seeking reasons why market values vastly exceed book values, investors are now more interested in the opposite : how stock prices could have fallen so much more than book values or any apparent erosion in a company’s “knowledge capital.”” [...]“In the post-Enron world, investors are asking whether some of those intangible values ever really existed”. (2002, p.61)
A propos de l’affaire Enron, Alan Greenspan déclarait à la chambre des représentants des Etats-Unis que cette firme avait vu ses actifs incorporels perdre de leur valeur. Or après vérification, Baruch Lev [2003] observe qu’Enron n’avait déclaré aucune dépense de R-D dans les trois rapports annuels successifs précédant l’affaire. Quant aux dépenses destinées à l’acquisition de technologie, à l’amélioration de la marque ou aux marques déposées, elles étaient très faibles. Seuls les achats de logiciels étaient significatifs mais ils restaient relativement faibles en comparaison des investissements en capital fixe. Selon Lev : “ Dire qu’Enron a eu des actifs immatériels énormes qui auraient d’une manière ou d’une autre disparu estompe toute différence entre l’écart de la valeur de marché à la valeur comptable dû au tapage médiatique et l’écart dû à la création d’un véritable actif immatériel ” [2003, p.18].
Ce propos laisse donc supposer que le goodwill peut s’expliquer par les actifs immatériels comme par tout autre facteur d’une influence bien plus considérable. Par conséquent, l’assimilation systématique des actifs immatériels au goodwill n’a pas de sens. Tout en ne contestant absolument pas le bien-fondé d’une économie libérale, Lev ne reconnaît pas pour autant aux marchés financiers la capacité à évaluer convenablement les actifs immatériels. En se fondant sur une étude menée par Chan, Lakonishok et Sougiannis [2001], il soutient que les marchés sous-estiment systématiquement la valeur des firmes réellement intensives en intangibles, en particulier intensives en R-D.
Une autre interprétation possible du goodwill renvoie à la bulle financière des années quatre-vingt-dix. En 1997, Raytheon Company a fusionné avec Hughes Defense et fait l’acquisition de T.I. Defense (Texas Instruments Defense). Le prix de ces deux opérations au total s’est monté à 12,5 milliards de dollars. Le bilan 1997 de Raytheon enregistre les modifications résultant de ces opérations. Or, entre les deux bilans 1996 et 1997, les actifs réels de Raytheon n’augmentent que de 1,335 milliards de dollars, dont une variation de 1,089 milliards pour le poste Immobilisations corporelles ("property, plants and equipment"). Le reste de la somme versée est passé en goodwill, soit 10,865 milliards de dollars (Rapport annuel 1997, Management’s Discussion and Analysis of Financial Condition and Results of Operation). Finalement, près de 87 % du prix des deux opérations sont passés en goodwill, le reste correspondant à un accroissement des actifs identifiables corporels, incorporels et financiers. Or, sur la même période, les dettes de Raytheon sont passées de 6,6 milliards de dollars (fin 1996) à 18,173 milliards de dollars (fin 1997). On ne peut manquer de mettre en relation cette augmentation de l’endettement de plus de 11, 5 milliards avec le goodwill de près de 11 milliards engendré par les opérations évoquées plus haut, et d’en conclure que l’entreprise s’est, sur cette affaire, endettée essentiellement pour financer la surévaluation des actifs sur les marchés financiers. Plusieurs éléments viennent confirmer cette idée. En 1998 tout d’abord, Raytheon engage une bataille judiciaire clamant que Hughes a surévalué d’un milliard de dollars les actifs cédés. L’affaire se conclue en 2001 sur une rétrocession de 650 millions de dollars en faveur de Raytheon. De plus pour l’exercice comptable 1999, la firme enregistre une charge de 668 millions de dollars pour corriger des problèmes financiers dans sa division d’électronique de défense, unité dans laquelle les deux actifs en question avaient été regroupés. Autre élément d’appréciation, l’amortissement de ce goodwill s’est réalisé à un rythme accéléré dans les années qui ont suivi.. Au total, on observe donc dans cette étude de cas une survaleur disproportionnée par rapport aux actifs réels des unités cédées et enregistrées conjointement ainsi qu’une variation de la dette d’ampleur comparable dans un premier temps, puis des dévaluations successives du goodwill observables à travers différents indicateurs semblant signifier que cette donnée à plus à voir avec la conjoncture boursière qu’avec la réalité des actifs immatériels incorporés dans les unités considérées.
B. Goodwill et actifs immatériels : une explication circulaire
La traduction française du goodwill est la “ survaleur ”, ou “ écart d’acquisition ”, ce qui correspond bien mieux à sa signification réelle que le terme américain qui fait explicitement référence à la relation entre la firme et sa clientèle, à sa réputation. Or, comme nous l’avons vu plus haut, par son acception comptable, la survaleur n’est que le solde qui sépare la valeur boursière de la firme de la somme des actifs qu’elle contient au moment de son acquisition. Le goodwill ne se définit donc qu’en creux. De ce fait, lorsque l’on prétend expliquer le goodwill par l’existence d’actifs immatériels non spécifiés, on produit un raisonnement totalement circulaire. En effet il s’agit de ressources que l’on ne parvient ni à définir (on y parvient en théorie d’une façon globale mais pas dans le cas précis de telle ou telle entreprise à un moment donné), ni à cerner isolément, encore moins à mesurer. On a donc affaire à un objet parfaitement flou que l’on prétend circonscrire à l’aide de ce qui n’est qu’un solde :
Figure 1 : Un raisonnement circulaire
Bien sûr, sur le plan général, on est capable de nommer les différentes ressources dont il est ici question, et il ne s’agit nullement de prétendre que les connaissances et savoir-faire collectivement accumulés, le niveau de formation du personnel, la qualité de l’organisation et des relations internes ou les réseaux de relations externes n’ont aucune productivité. Le problème qui nous intéresse ici est la tentative faite par l’idéologie libérale de sortir d’une indétermination en proposant comme unique référence le comportement de “ l’investisseur ” sur le marché financier. Ainsi, selon Hall : “Implicitly, they (the researchers) assume that financial markets price the bundles of assets that compose a firm (ordinary plant and equipment, inventories, knowledge assets, customer networks, brand names and reputation, and so forth) correctly and that the marginal shadow value (the gross rate of return) of the knowledge asset in the market place can be inferred from the regression coefficient estimate.” (Hall, Bronwyn, 1998, p.4)
Selon la théorie néo-classique, l’investisseur est rationnel, les marchés sont efficients, ce qui signifie qu’ils évaluent la firme à sa juste valeur. S’il existe un écart entre la valeur de marché et la valeur comptable, c’est forcément la comptabilité qui se trompe en ne prenant pas en compte tous les éléments susceptibles de créer de la valeur. Le raisonnement qui assimile le goodwill aux actifs immatériels s’appuie donc sur au moins deux hypothèses : celle de l’efficience des marchés financiers d’une part, celle selon laquelle les ressources productives non reconnues par la comptabilité de la firme sont effectivement bien ses actifs immatériels, c’est à dire soit des ressources internes que l’entreprise possède véritablement, soit des éléments dont elle contrôle intégralement les résultats (définition d’un actif).
L’hypothèse d’efficience exclue notamment les comportements d’engouement soudain pour tel ou tel secteur ou celui de mimétisme. Elle exclue que tout événement ou comportement sans rapport avec les fondamentaux de l’entreprise puisse venir perturber son cours, ce dernier reflétant toute l’information pertinente sur l’entreprise et seulement celle-ci. Keynes et bien plus tard André Orléan [1989], pour ne citer qu’eux, ont montré toutes les objections qui pouvaient être soulevées contre cette représentation des marchés financiers. Or si l’on réfute l’hypothèse d’efficience, on peut légitimement se demander ce que le cours boursier et les tractations préalables à une OPA ont à voir avec les hommes qui constituent l’entreprise, l’histoire construite de leurs relations à l’intérieur de la firmes et avec d’autres organisations ... La convention boursière et les engouements subits pour tel ou tel secteur d’activité se construisent à court terme et dans un univers purement financier. L’intelligence collective, pour sa part, se construit à long terme, notamment dans l’entreprise, mais aussi dans une société historiquement située. Dès lors, d’où viendrait cette coïncidence miraculeuse entre ce résidu qu’est le goodwill et les actifs immatériels non spécifiés qu’il est censé représenter ?
La seconde hypothèse suppose que les ressources immatérielles qui, tout en créant de la valeur pour l’entreprise, ne sont pas enregistrées dans sa comptabilité lui appartiennent bien en propre ou que la valeur créée par ces ressources soit effectivement contrôlée par celle-ci. La doctrine comptable repose en effet sur une conception juridique selon laquelle le patrimoine de l’entreprise ne contient que les éléments sur lesquels celle-ci exerce un droit de propriété. Cette hypothèse exclut donc la possibilité que des facteurs immatériels diffus présents dans l’environnement de l’entreprise contribuent à sa productivité. En d’autres termes elle exclut les externalités. Or, tout en demeurant dans le cadre conceptuel et méthodologique de l’orthodoxie, Jaffe a montré que les retombées technologiques de la R&D entre firmes voisines étaient très significatives : “It appears that both technological spillovers and competitive effects of others’ R&D come into play when we consider the economic returns to the firm’s research. Comparing fims whose neighbors do a lot of R&D to those whose neighbors do little, the former are characterized by lower profits and market value if they do little R&D themselves, but a higher return to doing R&D. For firms with the average R&D budget, the net effect of others’ R&D is positive.” (1986, p.995)
Admettre que les externalités liées aux ressources immatérielles diffuses sont conséquentes tout en affirmant que le goodwill évalue des actifs incorporels ne laisse-t-il pas supposer que les actifs ainsi valorisés ne sont, pour une bonne part, pas ceux de l’entreprise considérée et qu’ainsi, par la survaleur, les actionnaires s’approprient de façon indue une grande partie de la valeur créée ? En tout état de cause, la thèse d’une intellectualité diffuse proposée par Rémy Herrera et Carlo Vercellone [2003] nous permet de réfuter nettement le cadre fixé par cette seconde hypothèse.
Il semble donc que l’assimilation systématique du goodwill aux actifs immatériels ne règle en rien le problème de l’indétermination de ces derniers et s’appuie sur des hypothèses tout à fait contestables. De surcroît, le modèle de valorisation auquel elle se réfère ouvre la comptabilité d’entreprise aux vents tumultueux de l’instabilité boursière.
C. L’instabilité boursière comme fondement des catégories comptables ?
Si l’on suit les libéraux dans leur raisonnement, on inverse le sens de la détermination entre prix de marché et valeur. En effet, alors que chez les classiques la valeur (ou prix naturel), mesurée par une somme de coûts elle même fondée sur un temps de travail, sert de référence au prix de marché, qui, compte tenu du jeu de l’offre et de la demande, fluctue autour d’elle [Ricardo, 1817], on a ici l’idée d’un prix de marché, la capitalisation boursière d’une firme, puis par différence le goodwill, qui détermine la valeur des éléments d’actif figurant à son bilan.
Cette inversion de la détermination peut inciter à retenir une explication purement financière du goodwill. En effet, à partir du moment où l’on cherche à imposer le prix déterminé sur le marché financier comme valeur dans l’économie réelle, le capital fictif créé par la bulle financière des années quatre-vingt-dix doit trouver sa contrepartie dans l’économie réelle. Cette contrepartie est constituée par le goodwill. On aurait alors l’enchaînement représenté dans la figure 2 :
Figure 2 : Une explication financière du goodwill
Rappelons que dans la deuxième moitié des années 90, la création de monnaie aux Etats-Unis a connu un rythme bien supérieur à celui de la croissance réelle, ceci en l’absence d’inflation, ce qui a fait dire à bon nombre de commentateurs que l’inflation s’était reportée du secteur des biens et services vers celui des titres.
Lors du krach observé à partir de mars 2000, le mouvement devient négatif et l’on est amené à effacer une partie du goodwill des bilans des entreprises, ce qui fait dire à François Chesnais : “ Seul un patrimoine qui n’a jamais existé que de façon virtuelle du fait de cette institution très particulière qu’est le marché secondaire des titres peut « disparaître » ainsi ” [2002]. Or la norme 142 adoptée en juin 2001 par le FASB prévoit justement que la survaleur portée au bilan lors des acquisitions ne sera dorénavant plus amortie régulièrement mais fera chaque année l’objet d’un test d’expert en vue de sa dépréciation éventuelle pour mise en conformité avec la situation prévalant sur les marchés. Comme l’explique Maurice Nussenbaum : “ Toute surévaluation se traduit désormais par une dépréciation irréversible égale à la différence entre la valeur nette comptable (VNC) et la juste valeur, dès lors que cette dernière est inférieure à la VNC. Cette dépréciation constitue une charge d’exploitation qui vient affecter directement le compte de résultat comme l’ont montré les dépréciations récemment constatées dans les comptes 2002 de AOL Time Warner (54 Md$), Vivendi, (18 Md€) et France Télécom (18 Md€) ” [2003, p.78] .
Le problème posé par les dépréciations brutales est également relevé par Dominique Thouvenin : “ En revanche, on a pu constater qu’un certain nombre de rapprochements importants comptabilisés selon la méthode de l’acquisition et réalisés dans une période où les marchés étaient à leur maximum, en particulier à cause de la “ bulle de la nouvelle économie ” s’est traduit par des dépréciations ultérieures extrêmement importantes (en dizaines de milliards de dollars ou d’euros) des goodwills ou des actifs incorporels comptabilisés à l’occasion de ces regroupements ” [2003, p.94]. Ces dépréciations d’actifs ont été nombreuses depuis le début du retournement boursier et ont transmis en temps réel les difficultés du secteur financier aux entreprises industrielles.
Si le goodwill porté au bilan d’une firme peut enfler et se dégonfler au gré des fluctuations boursières, il en va de même du total de l’actif, et donc finalement du résultat de l’exercice. Dès lors, l’essentiel de la représentation comptable devient le jouet de la volatilité des marchés financiers et ne peut plus servir de référence. Or l’instabilité des marchés financiers a été considérable sur la dernière décennie. Lev [2003] a par exemple calculé que tandis qu’à son sommet atteint en mars 2000, le rapport de la valeur de marché à la valeur comptable des 500 entreprises de l’indice Standards and Poors était de 7,5 , il n’atteignait plus que 4,2 à la fin août 2002 et descendait encore.
Le modèle d’évaluation qu’introduit le goodwill est celui de la juste valeur qui repose sur l’idée d’abandonner définitivement toute référence au coût et de faire entrer en comptabilité soit la valeur de marché, soit la valeur d’usage des actifs considérés, à savoir la somme des rendements actualisés attendue des éléments comptabilisés. Comme l’observe Jean-François Casta [2003], ce modèle d’évaluation suscite de nombreuses critiques, dont celle de provoquer l’accroissement de la volatilité des mesures comptables.
La volatilité des cours boursiers et du goodwill est un élément qui devrait contribuer à introduire un certain scepticisme quant à la signification économique de ce dernier : on se demande en effet comment une valeur de marché extrêmement instable à court terme pourrait rendre compte efficacement d’actifs immatériels construits sur le long terme dans l’entreprise et dans l’ensemble de la société. Compte tenu de son fonctionnement réel, la bourse nous semble incapable d’évaluer fidèlement les actifs incorporels et leur incidence sur la croissance. Mais si l’on réfute la capacité des marchés financiers à assurer cette fonction, comment peut-on résoudre le problème complexe que pose l’évaluation de ces actifs ?
II. L’évaluation des actifs immatériels : de l’impossible à l’inconcevable.
La diversité et l’instabilité des pratiques comptables à l’égard des actifs immatériels montrent bien que l’on se heurte, en la matière, à un problème de fond. Depuis le milieu des années soixante-dix, le Financial Accounting Standards Board (FASB) aux Etats-Unis, la Commission Européenne et l’International Accounting Standards Board (IASB, ex IASC, modification des statuts en avril 2001) tentent de définir des normes concernant le traitement comptable et financier des actifs immatériels. On observe tout d’abord que les réformes sur ce point sont assez fréquentes et les débats encore très virulents au sein de ces trois institutions, ce qui laisse penser qu’après toutes ces années de réflexion et de pratique, les principes comptables ne sont toujours pas stabilisés. D’autre part, ces trois organismes, bien que très influencés par la doctrine économique libérale et le modèle anglo-saxon, ne sont absolument pas parvenus à faire converger leurs normes sur certains points cruciaux. Pour ne citer qu’un exemple, sur le plan international, l’IASB préconise la capitalisation des dépenses de Recherche et Développement et leur inscription à l’actif du bilan (avec amortissement linéaire) tandis que le FASB américain proscrit cette pratique et exige dans sa norme n°2 que ces dépenses soient enregistrées en charge dans le compte de résultat, ce qui est susceptible de grever plus brutalement le bénéfice de l’entreprise mais d’un autre côté réduit son impôt sur le bénéfice. L’Union Européenne adopte une position médiane en la matière dans sa quatrième directive (articles 9, 10 et 37) en laissant le choix de leur pratique aux entreprises (et donc aux différentes législations nationales). Sur ce simple item, il existe donc de notables différences de traitement entre les systèmes comptables. Or comme le montre Patrick Epingard à partir d’un exemple frappant, la façon d’enregistrer la R-D a une incidence très sensible sur la valeur ajoutée, le résultat d’exploitation, le taux de marge et le taux d’investissement déclarés par la firme [1999, p. 99]. De semblables différences de principe sont aussi relevées concernant les logiciels achetés ou développés en interne, le coût de la formation des personnels, la formation des ressources humaines ...[Vickery, 2000]. Dans la plupart des cas envisagés, le problème comptable posé renvoie à la possibilité ou non de considérer les dépenses en question comme constitutives d’un actif de la firme, et à celle d’évaluer l’actif à enregistrer.
On peut se demander pourquoi ces trois organismes hésitent et divergent autant dans leur appréciation dans la mesure où leurs fondements idéologiques sont les mêmes. Par ailleurs, les fusions et acquisitions étant de plus en plus souvent internationales, la demande des milieux financiers internationaux en faveur d’une convergence des normes est forte. Les fonds de pension et organismes de placements collectifs, par exemple, réclament la transparence et souhaitent pouvoir comparer les résultats et bilans des firmes sur le plan international. Si malgré tout, les trois grand organismes de normalisation comptable ne semblent pas pour l’instant réussir à stabiliser les pratiques par des normes cohérentes, ne peut-on penser qu’ils se heurtent en réalité à un problème de fond attaché à la nature même de ces “ actifs ” ?
A. Des actifs chargés d’incertitude
Nous avons vu plus haut que la définition de l’actif donnée par le FASB faisait référence à deux éléments constitutifs : l’existence d’une ressource détenue d’une part, celle du flux de revenus futurs ou d’avantages qu’elle engendre d’autre part. Dans le cas des actifs immatériels, l’absence de substance physique rend le premier élément souvent bien difficile à constater et à évaluer de sorte que l’on a le plus souvent tendance à les définir par les attentes de revenus futurs qu’ils sont censés engendrer. Or pour Nussenbaum [2003], le fait que ces actifs soient dépourvus de substance physique oblige leur détenteur à trouver des supports tangibles pour mettre en œuvre leur aptitude à créer de la valeur. Ainsi conçus, ces actifs auraient la particularité d’être conditionnels puisque leur valeur, voire leur existence, serait liée à la possibilité de vendre les produits qui leur servent de support de façon rentable. Une marque vaudrait beaucoup lorsque le marché correspondant est florissant, et serait dévaluée en période de récession ou de désaffection subite pour le secteur d’activité auquel elle s’applique. La formation du personnel d’une entreprise ne vaudrait plus rien le jour ou celle-ci fait faillite tandis que les murs, terrains et éventuellement certaines machines pourraient trouver preneur et ainsi conserver une certaine valeur. Les connaissances accumulées lors de la recherche et développement menée sur un produit ou procédé ne vaudraient strictement rien si finalement le marché validait comme standard une solution alternative développée par un concurrent... [Pierrat et Martory, 2000]. Une telle incertitude ne rend-elle pas dérisoire la prétention d’évaluer ?
Mais l’idée même que ces ressources ne puissent être évaluées est insupportable lorsque celles-ci constituent, selon Patrick Epingard [1999], le “ cœur d’une économie fondée sur la connaissance ”. La méthode de la juste valeur est présentée comme une solution à ce problème épineux : Dans le cas où il n’existe pas de marché très actif permettant de fournir une valeur de référence à l’actif considéré (et c’est bien le cas la plupart du temps car ces ressources, qui sont le plus souvent créées dans un cadre spécifique en vue d’un usage spécifique, doivent être considérées comme uniques), on fait appel à la valeur d’usage de cet actif, c’est à dire à la somme actualisée de ses rendements attendus, modulée par la prise en compte des risques afférents à ce type d’actif, risques technologique, commercial, juridique (les innombrables procès sur la technologie et autres marques déposées) ...
Cette méthode a toutes les apparences de la rigueur mathématique mais ne résout en rien l’indétermination sur la valeur de ces actifs car tous les déterminants qu’elle utilise relèvent soit de l’anticipation, soit du plus pur arbitraire : pour la mener à bien, on anticipe la durée sur laquelle l’actif est censé produire des revenus, la durée de vie d’une technologie par exemple, alors que l’on sait bien que le cycle de vie d’une innovation est non seulement de plus en plus court mais aussi incertain car on est incapable de dire quand la génération technologique suivante va faire son apparition et prendre le relais. On anticipe les flux de revenus, ce qui constitue vraiment un pari dans l’instabilité du régime de croissance patrimonial [Aglietta, 1998]. On anticipe le taux d’intérêt utilisé dans l’actualisation alors qu’il suffit d’un retournement des marchés financiers ou d’un revirement politique pour tout changer en la matière. Et l’on pondère toutes ces données par des probabilités bien choisies affectées aux différents risques dont nous avons parlé plus haut, après avoir d’une façon tout aussi arbitraire d’ailleurs, sélectionné une liste de risques rationnellement envisageables et écarté ceux qui ne l’étaient pas, c’est à dire en ayant bien en tête les différents états de la nature sans lesquels aucune évaluation n’est plus possible désormais.
Tenter malgré tout d’évaluer des actifs immatériels, c’est à dire conditionnels, dans un environnement aussi incertain consiste donc à remplacer l’indétermination par la subjectivité, car l’évaluation est, si l’on suit la méthode de la juste valeur, entièrement dépendante des anticipations de l’évaluateur et de ses représentations. Comme l’exprime très clairement Nussenbaum, : “ Ces valeurs découlent souvent uniquement des anticipations que l’on peut former sur leur potentiel futur. A la différence des actifs corporels, ce caractère subjectif de la valeur est accentué par le fait qu’elle n’est pas corroborée par des coûts d’acquisition ou de création facilement identifiables qui pourraient ainsi servir de comparaison avec le résultat des anticipations de revenus futurs ” [2003, p.72] .
Dans son rapport pour le Conseil d’Analyse Economique, Jacques Mistral insiste lui-aussi l’inévitable subjectivité de ces évaluations : « Malheureusement, le problème est plus facile à poser qu’à résoudre puisque l’on ne dispose pas de bonne évaluation microéconomique de ces actifs. En effet, la mesure historique habituelle pour les biens matériels n’a pas de sens et, en l’absence de marchés pour ces actifs, on est réduit à une évaluation subjective, autant dire à l’imagination. » (2003, p.39)
Outre le problème de sa subjectivité, le caractère conditionnel de ces actifs pose la question du concept de valeur. Que signifie une valeur qui évolue au gré de son environnement ? La valeur d’un bien ou service peut-elle être si éphémère ? N’est-ce pas le marché financier et son fonctionnement particulier qui dicte là son rythme et ses critères à l’économie réelle ? Au nom de quoi des connaissances accumulées pourraient-elles être réduites à néant par une impossibilité de mise sur le marché ? Les connaissances ne sont-elles jamais transférables ? Il semble bien que ce soit le cadre dans lequel on évalue, les raisons pour lesquelles on le fait qui imposent de telles conclusions.
B. Une catégorie distincte pour représenter des éléments pour la plupart indissociables du groupe social qui les porte.
La volonté irréductible d’évaluer les ressources immatérielles afin de les intégrer convenablement au bilan des firmes peut partir d’un simple constat. En effet, l’être humain, son intelligence individuelle et collective, ses capacités d’organisation, ses capacités relationnelles (relations avec les clients, réseau de fournisseurs, collectif de travail, synergies entre la société acquise et l’acquéreur qui ne peuvent se concrétiser sans la capacité d’adaptation culturelle et relationnelle des personnels) deviennent effectivement un facteur prépondérant dans la création de valeur (au sens de la valeur ajoutée) et dans la concurrence.
En première partie, nous avions vu que certains actifs incorporels étaient assez clairement identifiables et séparables et bénéficiaient souvent d’une reconnaissance juridique en raison d’un contrat ou d’une règle de droit, tandis que d’autres étaient non identifiés parce que non séparables et ne faisaient l’objet d’aucune reconnaissance juridique. Il se trouve que dans cette seconde catégorie, on trouve surtout des ressources indissociables des humains qui les portent et qui n’ont aucune capacité créatrice indépendamment d’eux. Pierrat et Martory expliquent par exemple : “ Les autres valeurs immatérielles, en particulier celles qui sont relatives à la connaissance, ont pour caractéristiques d’être incorporées à des personnes humaines ou d’être d’essence organisationnelle diffuse. Le pouvoir que l’organisation exerce sur ces valeurs est alors limité par le pouvoir qui est exercé directement sur elles par les individus qui les portent ” [2000, p.98].
Ahmed Bonfour pour sa part oppose, au sein du capital immatériel, le capital structurel au capital humain. Le premier est un “ ensemble d’éléments de patrimoine détachés du facteur humain (en gros l’ensemble des savoirs et informations qui demeurent au sein de l’organisation lorsque le personnel a quitté les bureaux et autres postes de travail, le soir) ” [2000, p.113]. L’auteur classe dans cette catégorie les brevets, marques et licences, procédures , logiciels .... Le capital humain correspond selon lui à un ensemble d’éléments “ portés par les cerveaux des hommes au sein de l’organisation ” [2000, p.113]. Il inclut les savoirs, la qualité des équipes, les capacités collectives, les compétences maîtrisées et la culture interne. L’auteur ajoute à ces deux catégories le capital client et le capital renouvellement et développement dont la plupart des items sont, en dernière analyse, portés par des hommes (réputation, contacts avec les clients, capacités d’innovation). En effet, dans la réputation que certains assimilent à l’image de marque de l’entreprise qui serait constituée par l’accumulation des budgets de publicité, ne faut-il pas également voir la réputation des professionnels qui y travaillent : leur sérieux, leur compétence, leur crédibilité sur le respect des contrat, des délais, la qualité de l’après-vente ...De même, on évoque souvent le fichier des clients comme s’il s’agissait d’un carnet d’adresses informatisé que n’importe qui pourrait utiliser alors qu’il s’agit souvent de liens personnalisés entre des clients précis et des équipes précises, relations que l’on ne peut pas nécessairement rompre sans dommage pour le chiffre d’affaires.
A propos de la sélection opérée par les sociétés de capital-risque entre les différents porteurs de projets innovants, Emmanuelle Dubocage et Dorothée Rivaud-Danset expliquent que “ Le fait d’être inscrit dans un réseau est essentiel dans la mesure où le principal critère de sélection des capital-risqueurs est la qualité du capital humain ” [2002, p.38]. Tous les éléments qui sont censés, selon les sociétés de capital-risque, faire la valeur de l’entreprise naissante semblent totalement dépendre des hommes qui la composent : connaissances, contacts avec des lieux scientifiques, projets de collaboration au sein des centres de recherche, d’universités, diplômes détenus par le porteur de projet, sa qualité, le soutien de ses pairs, capacité à coopérer, fréquence des communications informelles, insertion dans des réseaux sociaux avec les autres firmes...
Au delà du capital humain, on peut aussi considérer que certaines ressources fréquemment citées parmi les actifs immatérielles diffus relèvent du capital social au sens de Coleman ou Putnam. Pour Coleman : « social organization constitutes social capital, facilitating the achievement of goals that could not be achieved in its absence or could be achieved only at a higher cost. » (1990, p.304).
Selon Putnam : « Social capital refers to features of social organization, such as networks, norms, and trust, that facilitate coordination and cooperation for mutual benefit »(1993-1995).
Les définitions du capital social sont nombreuses et suscitent bien des débats. Mais les auteurs universitaires aussi bien que l’OCDE ou la Banque Mondiale s’accordent sur un point : si ces notions mettent en relief des phénomènes intéressants et aujourd’hui incontournables, prendre leur mesure soulève des difficultés considérables. Pour Sophie Ponthieux, cet échec de la mesure et de l’évaluation renvoie aux problèmes de fond auxquels se heurte la notion même de capital social et au flou qui l’entoure : « Aux critiques de ce type, les défenseurs du capital social répondent en mettant en avant la « jeunesse » du concept, et en réaffirmant que la vérité sortira du travail empirique ». [...] « Dans quels termes se pose la question de la mesure du capital social ? Au point de départ, il y a, bien sûr, l’objectif premier de prouver le capital social ; prouver le capital social, ou trouver le capital social ? L’un et l’autre, comme on le verra. Prouver le capital social, c’est le rôle du travail empirique » (2003, pp.83 et 106)
Quels que soient le courant théorique de référence et le type de concept utilisé, les différents auteurs des sciences économiques et de gestion reconnaissent assez unanimement l’importance des ressources portées individuellement ou collectivement par l’être humain dans la création de valeur ajoutée. Ce sont d’ailleurs en particulier et principalement ces ressources que le goodwill est censé représenter dans son interprétation libérale. On enferme donc dans une catégorie comptable distincte, dont nous avons montré plus haut le caractère artificiel, des ressources qui précisément sont indissociables entre elles d’une part, indissociables des humains qui les portent d’autre part, et finalement du groupe social constitué par le personnel de l’entreprise et plus largement par la société dans laquelle cette entreprise s’est historiquement constituée d’autre part.
Si l’on assimile les actifs immatériels identifiables et juridiquement reconnus, et pour cette raison affichant leur caractère privatif, à des éléments finalement détachés du facteur humain puisqu’ils subsistent dans l’entreprise lorsque les salariés changent ou partent, on peut analyser ces actifs comme un détour de production et les rattacher au capital en tant que résultat d’un travail passé cristallisé dont la valeur sera transmise au cours du processus de production dans lequel ils sont utilisés. A l’opposé, les ressources immatérielles que nous avons identifiées comme indissociables des salariés qui les portent, que l’entreprise ne peut continuer à valoriser si les salariés partent, et dont on note le caractère collectif et social, peuvent être rattachées au travail vivant en tant que qualité sociale du travail présent, donc sont davantage assimilables au travail qu’au capital. Pourtant, un effort bien particulier est fait par les économistes libéraux pour détacher sur le plan conceptuel ces ressources du groupe social qui les porte et les enfermer dans une catégorie distincte et artificielle qu’ils nomment malencontreusement goodwill, ce qui lui donne de surcroît toute l’ambiguïté d’une catégorie financière.
Les économistes s’étaient déjà heurtés à ce type de problème lorsqu’il s’est agi de formaliser le progrès technique. Tandis que l’analyse de la croissance française menée par Carré, Dubois et Malinvaud mettait en évidence l’importance d’un résidu non expliqué par les facteurs de production traditionnels [1972], certains économistes choisissaient d’incorporer le progrès technique au capital, d’autres au travail, d’autres enfin de ne pas l’incorporer du tout en l’interprétant comme un facteur distinct. On retrouve donc aujourd’hui au niveau microéconomique et comptable l’opposition qui s’était constituée alors au niveau macroéconomique. Mais le problème tel qu’il se dessine aujourd’hui prend une acuité particulière parce qu’il pose très concrètement la question de l’appropriation directe et immédiate par les actionnaires des résultats du progrès technique, alors que le débat des années soixante et soixante-dix ne se situait que sur le plan global, théorique et politique.
C. Un traitement spécial qui dissimule un problème de légitimité.
1. Pourquoi évaluer, pour qui et dans quel but ?
La question de l’évaluation des actifs immatériels s’est posée avec insistance du fait de la montée du “ capitalisme des actionnaires ”. Dans ce cadre nouveau issu de la globalisation financière, les grandes entreprises sont sujettes au contrôle interne exercé par les actionnaires dans le cadre de leurs assemblées générales par exemple, et au contrôle externe exercé par les marchés financiers, notamment sous la menace permanente d’acquisitions prenant éventuellement la forme d’OPA [Aglietta, 1998]. Cette mutation du capitalisme a pesé sur les priorités et méthodes de la comptabilité d’entreprise : “ Les objectifs assignés aux états financiers ont été nettement orientés en fonction des besoins en information prévisionnelle des utilisateurs - principalement les créanciers et investisseurs - privilégiant le critère d’utilité de l’information comptable pour la prise de décisions économiques externes ” [Casta, 2003, p.22].
Alors que jusqu’à présent, les comptes de l’entreprise devaient pouvoir informer des utilisateurs multiples et variés (ses gestionnaires, les tiers, les autorités judiciaires et fiscales, ses créanciers et actionnaires), ils doivent désormais prioritairement répondre aux besoins spécifiques des détenteurs de capitaux. Or l’évaluation au coût historique intéresse peu ces derniers, qui sont beaucoup plus sensibles à ce qu’un investissement matériel ou immatériel est susceptible de rapporter (fair value). Plus directement d’ailleurs, la comptabilité doit présenter tous les éléments qui seraient susceptible de faire monter le cours du titre, et tous ceux qui seraient susceptibles de le faire baisser (d’où la prise en compte des risques dans les évaluations par exemple). C’est dans cette dimension que l’évaluation des actifs immatériels devient cruciale. La méthode de la juste valeur est censée fournir une information qui intègre, par construction, les tendances de marché et rejoint en cela les méthodes utilisées par les investisseurs.
En dernière analyse, on veut pouvoir évaluer les actifs incorporels de l’entreprise parce que les ressources immatérielles engendrent désormais une part considérable des richesses créées et que l’on veut pouvoir s’approprier cette richesse à travers la liquidité du marché financier. Les décisions des investisseurs que la comptabilité doit orienter sont celles de l’achat et revente de titres, les fusions-acquisitions, les réactions des investisseurs face aux introduction en bourse de start-ups ou de segments d’entreprises scissionnées...Or si la majeure partie de la valeur créée provient désormais des ressources immatérielles, c’est cela que l’on vend ou que l’on achète à travers ces opérations et il faut pouvoir l’évaluer. L’impossibilité de le faire ne révèlerait-elle pas toutefois un problème de légitimité ?
2. Ce qui se vend et ce qui ne se vend pas.
“ Comment apprécier la “ valeur ” d’une firme dont l’actif est constitué par un brevet sur les gènes ? Ou dans le cas des firmes de l’Internet, d’une firme dont le nombre de clients est “ virtuel ” ? ” s’interrogent Fabienne Orsi et Benjamen Coriat [2003, p.3].
Mais dans ces deux exemples comme dans bien d’autres, l’impossibilité d’évaluer ne questionne-t-elle pas la légitimité de l’échange. N’a-t-on pas considéré, jusqu’à une période récente que la connaissance du vivant ne se vendait pas, et par conséquent ne pouvait être brevetée ? Orsi et Coriat citent d’ailleurs dans le même article l’arrêt Chakrabarty qui autorisa pour la première fois une entreprise, General Electric, à couvrir d’un brevet un micro-organisme. Or cet arrêt date de juin 1980. En 1998, lors d’un entretien pour l’UNESCO, Jeremy Rifkin déclarait : “ [...] en 1987, l’Office américain des brevets a ajouté à ses textes un paragraphe spécifiant qu’il est désormais possible de faire breveter toute forme de vie génétiquement modifiée, à l’exception des êtres humains à la naissance - la seule et unique raison à cette restriction étant que la constitution des États-Unis interdit l’esclavage ” [OTCHET et LEFORT, 1998]. Ce retournement très significatif de la doctrine juridique date donc des années 1980, c’est à dire qu’il est contemporain du tournant libéral qu’ont connu nos sociétés et de la globalisation financière qui a placé l’actionnaire au centre du système économique et social. Jusqu’alors, la propriété et l’échange mercantile des connaissances portant sur le vivant n’allaient pas de soi.
D’une manière plus générale, le savoir, les connaissances scientifiques, en particulier les connaissances de base, sont considérés comme participant du bien commun. Jusqu’à une période récente, ils ne constituaient pas un objet de propriété privée et ne pouvaient donc s’acheter ni se vendre. Seules les inventions, qui se définissent par leur “ utilité ”, c’est à dire leur caractère appliqué et leur capacité à générer un progrès en matière d’industrie et de commerce, pouvaient être brevetées. Mais là encore, dans les années 1980, l’orientation de la jurisprudence américaine s’est inversée en élargissant et en assouplissant considérablement les conditions du dépôt de brevet [Coriat, 2002]. De ce fait, on se pose désormais la question de l’évaluation financière des connaissances de base, ce qui aurait été une question inconcevable il y a trente ans et pose encore un problème de légitimité aujourd’hui quelles que puissent être les positions de la jurisprudence.
De même il n’y a rien d’étonnant à ce que l’on ne parvienne pas à créer des catégories définies, distinctes et cessibles lorsqu’il s’agit du “ capital humain ”. L’homme, son intelligence individuelle ou collective, sa créativité, ses capacité relationnelles ou organisationnelles, sa sensibilité, ses goûts, ne sont plus à vendre, en groupe ou isolément, depuis 1848 en France, depuis 1865 aux Etats-Unis. Malgré tous les écarts de langage produits par 25 ans de chômage de masse dans notre pays, il reste que, compte tenu des valeurs qui sont les nôtres, nos mentalités sont profondément hostiles à ce type de transaction. Et pourtant, si les ressources immatérielles, y compris celles qui sont indissociables des êtres humains qui les portent, forment désormais l’essentiel des capacités productives de nos industries, que vendent les actionnaires lors d’une fusion-acquisition ? Cependant, il ne faut pas nommer l’innommable alors on crée une catégorie artificielle et bien distincte des hommes-salariés, des hommes-clients ou de la société dans son ensemble et on lui donne un nom : “ actifs immatériels ”. Mais ce n’est pas par un simple artifice comptable que l’on peut résoudre pareille contradiction. Celle-ci s’exprime pleinement à travers l’impossibilité d’évaluer ces “ actifs ” : ce que l’on ne peut nommer, on peut encore moins le mesurer. La difficulté technique à laquelle on se heurte depuis maintenant deux décennies révèle en fait une impossibilité conceptuelle et éthique.
Conclusion :
Au terme de cette étude, nous pouvons avancer qu’en raison de sa nature et de son mode de fonctionnement, la bourse est incapable d’évaluer de façon stable et fiable les actifs incorporels. Le signe d’équivalence que les économistes libéraux apposent de façon systématique entre le goodwill et ces actifs nous semble totalement usurpé. Il est indéniable que l’évaluation des ressources immatérielles se heurte à d’insurmontables difficultés. Toutefois, à la question posée par Orsi et Coriat que nous avons rappelée ci-dessus, nous répondrons par une autre question : avant de chercher à apprécier la valeur de ce type d’actifs, ne conviendrait-il pas de se demander pourquoi il faudrait nécessairement évaluer une clientèle, une intelligence collective, une découverte scientifique ou un réseau relationnel. Les contradictions engendrées par une telle démarche n’expliquent-elles pas l’impossibilité technique à laquelle on se heurte continuellement en la matière ?
L’évaluation des « actifs incorporels » n’est devenue une obligation qu’en raison des relations bien particulières qui se sont établies entre sphère réelle et sphère financière dans le cadre d’un capitalisme à dominante financière. Nous l’avons vu, les ressources immatérielles sont pour la plupart attachées aux hommes qui les portent ou plus largement à la collectivité qui les crée continuellement. Si les connaissances vivantes, tout comme les capacités relationnelles et organisationnelles incorporées au travail, tendent à devenir le moteur essentiel de la création des richesses dans le cadre du capitalisme cognitif (Vercellone 2004), alors la captation du surplus passe nécessairement par l’appropriation, sous une forme ou sous une autre, de l’intelligence collective et des réseaux sociaux. L’insistance avec laquelle on tente aujourd’hui de privatiser les savoirs présents et à venir, la créativité, les relations, les systèmes de formation ou les systèmes de santé témoigne de la réalité de cette problématique. Cependant, privatiser tout cela dans un cadre de concurrence exacerbée freine la diffusion des savoirs, empêche la confiance de s’établir, nuit à l’élargissement des réseaux, restreint les externalités. Par conséquent, on peut penser que le capitalisme à dominante financière n’est pas nécessairement le système qui permettra au capitalisme cognitif de développer toutes ses capacités productives. Les richesses issues des nouvelles technologies, des nouvelles formes d’organisation et de l’intellectualité diffuse pourraient d’ailleurs être réparties plus largement, ceci d’autant plus qu’elles proviennent justement de ressources immatérielles et intrinsèquement sociales.
isabelle.halary@univ-reims.fr
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