S E M I N A I R E

UNE QUESTION DE LA SECONDE GENERATION EN FRANCE.

vendredi 4 novembre 2005 par Patrick Simon

Dans le modèle français d’intégration, l’idée même d’une "seconde génération" est une aberration, non seulement parce que la transmission des spécificités socio-culturelles des immigrés à leurs enfants est contenue par l’intermédiaire de ces grands opérateurs d’intégration..

Depuis le milieu du XIXe siècle, l’histoire de France est intimement liée à celle de l’immigration.

Les migrations de masse ont contribué au développement de la population, mais aussi à transformer les cadres économiques, politiques et culturelles de la société. La formation de l’identité nationale française s’est effectuée conjointement à la définition du statut des "étrangers" (Brubaker, 1992 ; Weil, 2002). Pourtant, si une « question des étrangers » traverse bien la société française depuis plus d’un siècle, il n’y a jamais eu de « question de la seconde génération », comme l’ont montré de nombreux travaux récents (Noiriel, 1988 ; Blanc-Chaléard, 2001). Curieux paradoxe, si on compare cette absence à la place importante qu’occupent les débats sur la "nouvelle seconde génération" aux Etats-Unis (Portes, 1996 ; Perlman and Waldinger, 1997 ; Zhou, 1997).

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Ce contraste s’explique avant tout par les représentations véhiculées par le modèle français d’intégration dont l’objectif est de transformer les immigrés en citoyens français en une génération. Le code de la nationalité garantit ainsi, en ouvrant à la naturalisation et en attribuant automatiquement, à leur majorité, la nationalité française aux enfants d’étrangers nés en France, la disparition des étrangers sur une génération. La doctrine implicite est qu’en devenant Français (par la nationalité), les immigrés et leurs descendants ne se distinguent plus des autres citoyens (par leurs pratiques).

En contrepartie de l’invisibilité des pratiques culturelles et de l’absence d’expressions et revendications particularistes dans l’espace public, le système assure, de jure, l’égalité des citoyens devant la loi et dans l’accès aux droits quelle que soit leur origine.

Dans le modèle français d’intégration, l’idée même d’une "seconde génération" est une aberration, non seulement parce que la transmission des spécificités socio-culturelles des immigrés à leurs enfants est contenue par l’intermédiaire de ces grands opérateurs d’intégration que sont les institutions et en premier lieu l’école, mais aussi en luttant contre toute reconnaissance collective d’une origine immigrée. Jusqu’au début des années 1970, le modèle a connu une certaine efficacité sur le second point.

C’est ce dont témoigne l’histoire de l’immigration en France : les enfants des Allemands, Belges, Italiens ou Polonais du début du siècle ont sans aucun doute été identifiés localement comme tels au cours de leur enfance, mais la société française n’a pas alors produit une figure collective de cette “ seconde génération ”. On a ainsi pu entretenir l’illusion d’une rupture profonde entre les générations par la socialisation, et surtout la scolarisation, dans le contexte français fortement assimilationiste.

L’arrivée des « nouvelles secondes générations » à l’âge de l’entrée sur le marché du travail, c’est à dire celles issues des vagues d’immigration post-coloniales des années 60 et 70, et surtout leur émergence comme acteur collectif dans l’actualité sociale de ces dernières années sont venues remettre en question ce modèle d’intégration, ou d’invisibilisation par diffusion sociale (Lapeyronnie, 1987).

Le ralentissement des processus de mobilité sociale intervenu dans les années 70 a laissé place à une dynamique de déclassement qui touche tout particulièrement les descendants d’immigrés, qui font également face à des pratiques discriminatoires dont on commence à appréhender l’étendue.

Le développement de la lutte contre les discriminations à la fin des années 90 marque leur identification dans les publics des politiques publiques, aussi bien dans les discours que dans des dispositifs, limités certes. L’avènement du « jeune issu de l’immigration » dans les discours publics a accompagné le processus de formation, sinon d’une identité collective, au moins de la représentation d’un groupe social (Simon, 2000b).

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