vendredi 8 décembre 2006 par Patrick Simon
Je voudrais placer cette intervention sous le signe de deux anniversaires. Le premier est celui des vingt ans de la marche des beurs.
Je voudrais placer cette intervention sous le signe de deux anniversaires. Le premier est celui des vingt ans de la marche des beurs, qui s’est appelée à l’époque la marche pour l’égalité mais dont la prospérité a retenu une appellation curieusement réductrice. Le deuxième anniversaire correspond aux cinq ans de la déclaration de Martine Aubry à la sortie d’un conseil des ministres, où elle a évoqué pour la première fois à ma connaissance de la part d’un ministre en exercice, « les jeunes issus de l’immigration », et où elle a lancé ce qui allait devenir la « lutte contre les discriminations ».
La reprise publique par une responsable politique de premier plan de la catégorie des « jeunes issus de l’immigration » consacre une rupture intellectuelle et politique qui vient ponctuer le processus ouvert par la marche de 1984. Car le lancement de la lutte contre les discriminations ne constitue pas seulement un nouveau volet des politiques contre les inégalités ou une simple reconfiguration de l’action publique. Il s’agit avant tout d’une nouvelle forme d’appréhension des rapports sociaux et l’avènement d’une problématique et de modalités d’action peu familières à la tradition philosophique et politique française. Ces dispositifs et thématiques se développent actuellement dans beaucoup de sociétés européennes et ont été forgés en partie en Amérique du Nord autour du travail ou de la gestion d’une société que l’on qualifie de « multiculturelle ».
Mais que signifie ce passage de la « politique d’intégration » à la lutte contre les discriminations ? Qu’ engage-t-elle et en quoi est-elle une rupture ? Une rupture qui n’est pas complètement consommée puisque des oscillations se produisent depuis 5 ans. Les développements récents où le contrat d’intégration marquent un retour à une conception plus « fondamentaliste » et volontariste de l’intégration, qui n’est pas sans évoquer l’ancienne approche assimilationniste. Or ce retour sur le premier plan de la politique d’intégration s’effectue simultanément au maintien et au futur renforcement de la lutte contre les discriminations, notamment avec la mise en place d’une Haute autorité à l’horizon de 2005 . Les contradictions apparaissent déjà dans les discours publics (voir notamment le dernier rapport du HCI) et seront encore plus fortes dans les stratégies d’intervention. Ne serait-ce que par son intitulé, le FASILD est un bon exemple de la difficulté à gérer la superposition de deux paradigmes politiques.
Télécharger le fichier ci-joint pour lire la suite...