jeudi 24 novembre 2005 par Patrick Simon
Ainsi, le racisme n’est plus seulement appréhendé comme une idéologie qui fonde des projets politiques s’opposant, avec un succès croissant et terrifiant, à la démocratie.
En 1997 se tenait l’Année Européenne contre le Racisme. Les nombreuses manifestations qui se sont tenues à cette occasion ont popularisé une thématique restée relativement discrète en France jusqu’ici : la montée des discriminations ethniques ou raciales. Plusieurs études portant sur les discriminations dans le monde du travail ont mis en évidence la gravité et l’extension des traitements différenciés en raison de l’origine, réelle ou supposée, à l’embauche, mais aussi dans les carrières professionnelles et, plus sournoisement, d’un racisme quotidien dans les rapports de travail. Le même constat a ensuite été établi pour le logement (Simon, Kirstzbaum , 2001) et pour la plupart des domaines de la vie sociale : école, santé, services au public, loisirs, justice, police, ... Ainsi, le racisme n’est plus seulement appréhendé comme une idéologie qui fonde des projets politiques s’opposant, avec un succès croissant et terrifiant, à la démocratie, ou un ensemble de représentation qui conduit à dévaloriser l’altérité pour l’exclure avant de la supprimer. Bien plus qu’une idéologie, le racisme est à la source de cette somme de petites décisions, de comportements ou d’appréciations qui, enchaînées et répétées de façon routinières quasiment invisibles, composent un système dense d’actes discriminatoires et empêchent l’accès plein et entier à la jouissance des droits d’individus définis par leurs origines ethniques et raciales. En ce sens, le racisme incarné dans les discriminations sape les fondements mêmes du principe d’égalité.
Depuis le rapport public du Conseil d’Etat de 1996 consacré au “ principe d’égalité ”, le rapport du Haut Conseil à l’Intégration pour 1998 sur la “ lutte contre les discriminations ” et la communication de Martine Aubry au Conseil des ministres du 21 octobre 1998 qui plaçait ce thème au centre de la relance de la politique d’intégration, la lutte contre les discriminations est inscrite sur l’agenda politique français. Deux directives européennes ont été prises en juin et novembre 2000 et ont introduit la notion de discrimination indirecte dans le droit européen. Leur transposition dans le droit français s’est opérée à l’automne 2001, complétée en janvier 2002 par la loi de modernisation sociale. En cinq années, le dispositif d’intervention s’est progressivement mis en place mais a montré ses limites face à ce qui apparaît plus comme un système ou un ordre discriminatoire que comme des cas isolés qu’il conviendrait de sanctionner. En ce sens, la stratégie adoptée avec le numéro vert 114 associé aux CODAC pour le traitement des plaintes s’est soldée par un double échec. En premier lieu parce que le dispositif s’est avéré relativement inefficace pour faire aboutir les plaintes et répondre aux attentes des victimes, malgré le nombre élevé d’appels reçus au cours des deux premières années . En second lieu parce que le seul traitement de la plainte ne saurait répondre aux discriminations systémiques qui ne se repèrent pas plus facilement par les victimes qu’elles ne peuvent se prouver grâce au recueil d’indices d’une volonté d’exclure en raison de l’origine ethnique ou raciale.
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