mercredi 7 décembre 2005 par Michèle Collin
La logistique est souvent limitée à l’organisation technique de l’entreprise et des transports, comme à l’époque industrielle, les analyses se focalisent sur les infrastructures et les grandes entreprises de logistique mondiale dans une approche en terme de gestion des flux et de transit rapide des marchandises.
Cette réflexion s’inscrit dans le cadre de travaux sur la ville comme nouveau territoire productif de la mondialisation à partir de recherches menées avec Thierry Baudouin sur des villes spécifiques que sont les villes portuaires, prises comme objet d’étude à partir d’exemples tant en l’Union Européenne qu’en Amérique.
La ville portuaire est un lieu d’observation privilégié des logiques qui président aux mutations du nouveau capitalisme dans leurs dimensions territoriale et productive. De par sa position centrale d’interface du global et du local, elle est au cœur des réseaux du procès de circulation, au cœur des articulations des flux immatériels d’informations et matériels de marchandises.
Au-delà du déterminisme technologique dominant, on s’interroge ici sur les capacités de mobilisation et d’énoncés stratégiques des acteurs des villes et des territoires face à la mondialisation.
MÉTROPOLE -LOGISTIQUE- RÉSEAUX ET FLUX
Dans l’économie mondialisée où le procès de circulation domine le procès de production, la logistique représente un nœud central de la globalisation, au carrefour de la nouvelle organisation des flux matériels de circulation- stockage- transformation- distribution des productions du monde entier, et au cœur des réseaux immatériels d’information caractéristiques de l’ère post fordiste et indispensables à la marchandisation contextualisée. Des lieux de production disséminés dans le monde jusque aux lieux de consommation précis, des plates formes logistiques, ports, aéroports coordonnent l’ensemble de ces réseaux immatériels et matériels.
La logistique est souvent limitée à l’organisation technique de l’entreprise et des transports, comme à l’époque industrielle, les analyses se focalisent sur les infrastructures et les grandes entreprises de logistique mondiale dans une approche en terme de gestion des flux et de transit rapide des marchandises.
Les nouvelles conditions de production et de circulation basées sur la notion de réseau et de flux ont été théorisés en termes de pure immatérialité et de déterritorialisation dans une focalisation sur la vitesse, le flux, le transit rapide (Virilio).
Cela permet aux ingénieurs de conserver l’analyse fordienne des transports en considérant ces plates formes logistiques et les hubs comme des lieux purement fonctionnels positionnés sur de grands axes de transport des nouvelles polarisations à l’échelle mondiale et à l’échelle des grands continents Europe, Amérique ( cf Michel Savy). Ports et aéroports sont vus comme des lieux strictement techniques, fonctionnant en toute extraterritorialité.
Ces visions analysent la mondialisation en termes de concentrations du capital international, avec des polarisations spatiales et sociales sur les global cities (Saskia Sassen) et des hiérarchies des villes avec la mondialisation (El Mouloud parle de métropolarisation pour n’analyser que les nouvelles polarisations et pas les métropoles).
Du point de vue du capital, tout n’est en effet que transit, flux, vitesse. Les entreprises de circulation de taille mondiale, les « intégrateurs », redécoupent l’ensemble de chaque continent selon leur logique propre. En ce qui concerne l’Europe, la distribution des produits de nombreuses firmes est, par exemple, répartie en plusieurs marchés -latin, germanique, anglo-saxon, scandinave...- regroupant des entités de consommation qui dépassent les frontières étatiques. La logistique mondiale qui approvisionne ces secteurs génère une organisation qui restructure également l’ensemble des infrastructures du continent européen.
Cette logique proprement globale renouvelle l’ancienne logique des transports et ports nationaux. Personne ne connaissait même les noms, il y a encore quelques années, des plus grands hubs actuels de conteneurs en Europe sont Algeciras, Gioia Tauro ou Felixtowe. La présence parmi eux d’anciens ports de guerre exprime parfaitement ce déplacement : Des infrastructures d’État situées en des points géostratégiques perdent leur valeur militaire pour devenir par contre centrale dans les stratégies géo-économiques des firmes de la circulation mondiale.
Algeciras, à côté de Gibraltar, devient ainsi la plus grande plateforme intercontinentale de transit de conteneurs du premier armement mondial, Maerx, au carrefour des axes Amérique-Asie et Europe-Afrique. De même Gioia Tauro est un port sidérurgique de l’ère industrielle, construit par l’État italien des années 60 et 70 dans le Mezzogiorno qui n’avait jamais fonctionné qui est aussi investi par la circulation globale. C’est dans cet esprit qu’un arsenal comme Cherbourg, sans aucune tradition marchande, entre en relation avec des opérateurs mondiaux intéressés par une vaste rade militaire obsolète, proche du marché européen.
La plupart des analyses économiques libérales dominantes tendent à ne voir l’avenir de la circulation mondiale que dans ces lieux de concentration du capital et ces plateformes multinationales.
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