vendredi 8 décembre 2006 par Stefano Boeri
Par “ espace local ”, je n’entends pas simplement un contexte géographique, ou la localisation de caractéristiques historiques, mais plutôt un dispositif à matrice spatiale (physique, minérale) rassemblant un certainnombre de tendances structurelles développées localement et se déployantdès l’instant où une énergie de transformation se tourne vers le territoire.
Entretien avec STEFANO BOERI
Par THIERRY BAUDOUIN ET MICHELE COLLIN
Plusieurs points nous intéressent particulièrement dans ton approche qui remet en cause la nouvelle vulgate urbaine sur la ville mondiale. Nous croyons en effet nécessaire d’entamer une réflexion sur les opportunités d’un autre concept de ville. Peut-on développer un point de vue territorialisé, au-delà des clichés mondialistes, et quels sont les domaines que l’on doit particulièrement approfondir dans la ville européenne ?
Même si cela peut sembler paradoxal, je crois que la phénoménologie et la rhétorique de la globalisation ont encore accentué l’irréductible spécificité des espaces locaux. Standardisation de certaines habitudes en matière d’habitat, diffusion de clichés comportementaux, internationalisation des marchés immobiliers, tout cela n’en rend que plus évident le frottement opposé par l’espace local aux énergies de la mutation. Par “ espace local ”, je n’entends pas simplement un contexte géographique, ou la localisation de caractéristiques historiques, mais plutôt un dispositif à matrice spatiale (physique, minérale) rassemblant un certain nombre de tendances structurelles développées localement et se déployant dès l’instant où une énergie de transformation se tourne vers le territoire.
Bien que mû par des forces exogènes et immatérielles, tout événement affectant la transformation matérielle sollicite et intercepte ce dispositif local. Et il est en même temps inévitablement conditionné par lui. L’espace agit comme le “ chas de l’aiguille ” où passe le fil de la mutation. Avec USE - Uncertain States of Europe -, nous avons cherché à vérifier l’existence (la persistance, pourrait-on dire) d’un dispositif spécifique de l’espace européen ; l’hypothèse maîtresse de notre recherche était que ce dispositif dont nous connaissons bien (pour en être, en un sens, “ encerclés ”) la puissance cumulative, les capacités de métabolisation et de tolérance à la densité, était peut être aussi et d’abord reconnaissable par sa tendance à constituer - ou, pourrait-on dire, à reconstituer - un espace intermédiaire entre la dimension urbaine et celle de l’objet, de l’édifice singulier.
L’espace urbain, en Europe, c’est peut-être avant tout, aujourd’hui, ce milieu intermédiaire qui - tel une véritable phrase entre mots et discours - absorbe les variations imprévisibles du monde de la vie, et les décline selon un code inscrit dans la matérialité présente de la condition urbaine. Le Forum, l’îlot, la cour, le quartier de banlieue construit sur fonds publics sont des inventions - mais on devrait dire des ré-inventions -de ce dispositif. L’idée est de se demander si, comment et où ce dispositif est aujourd’hui encore opérant. La réponse apportée par USE est que ce dispositif local d’innovation peut être aujourd’hui avant tout repéré à travers l’auto-organisation de certains systèmes de mutation du territoire. Et qu’au lieu de prendre la forme de Projets dûment estampillés ou d’une Politique publique, ce dispositif caractéristique de la condition urbaine européenne tend à se manifester dans la réalité “ ordinaire ” des processus d’évolution dont nous sommes entourés.
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