jeudi 9 mars 2006 par Alain Bertho
Voici vingt-cinq ans que la question se pose : de quoi la « banlieue », nouvelle venue du vocabulaire social au début des années 80 est-elle le nom ? Un quart de siècle plus tard, la réponse semble évidente : la banlieue est le nom de l’affrontement subjectif et cognitif de l’ancien et du nouveau, longtemps théâtre privilégié de la décomposition du fordisme et aujourd’hui plus clairement gisement de nouveauté.
L’identification de la métropole comme espace productif et stratégique pour l’hégémonie du travail immatériel et de la multitude est une étape importante qui semble à peu près réalisée. A ce point de la construction collective nous sommes confrontés à un impensé de taille : quelle est la politique qui va donner force et lisibilité à ces nouveaux antagonismes ?
Quelle est la politique qui va construire ce fameux « sujet historique » dont nous avons peut-être la nostalgie Le danger me semble très grand de « déduire » la politique métropolitaine des enjeux objectifs de la territorialisation du travail immatériel, de glisser sans y prendre garde dans une intellectualité de type structurale, objectiviste, déductiviste et dialectique. Bref de rester les dignes héritiers de Durkheim et de Lénine.
Or, comme l’a fait justement remarquer Saskia Sassen lors de sa conférence : les mots nous manquent... Et les mots anciens nous emprisonnent et « nous obligent à répéter plutôt qu’à dire » dit Zygmunt Bauman, citant les Villes invisibles d’italo Calvino . « Répéter » ce qu’on savait déjà : n’est-ce pas ce qu’a fait à l’envi la sociologie française après le choc des émeutes de novembre, se rassurant ainsi sans doute de la difficulté extrême que nous avions à identifier l’événement dans sa singularité, voire même à mettre des mots dessus.
C’est une subjectivité politique nouvelle qui émerge et ce sont les sciences sociales qui bégaient... Voilà sans doute le point sur lequel nous devons nous accorder avant d‘avancer plus : le moment que nous vivons est simultanément celui d’une profonde transformation de la politique et de grande difficulté d’analyse.
Laissons de côté pour l’instant la question du lien entre les deux finitudes, celle d’une subjectivité et celle d’une intellectualité savante, celle simultanément du « cri de colère » et de la science du social pour reprendre, justement le vocabulaire de Durkheim. Toujours est-il que nous sommes mis en demeure de changer simultanément d’objet et de paradigme...
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