samedi 19 septembre 2009 par Patrick Dieuaide
Dans ces enquêtes, on note aussi que l’horizon temporel du travail s’est raccourci, aussi bien pour les ingénieurs et les ouvriers de l’industrie que pour les employés et les cadres du secteur des services.
« Je ne sais ce que je vois qu’en travaillant » Alberto Giacometti
La série d’enquêtes « conditions de travail » menées en France en 1984, 1991, 1998 par le Ministère de l’emploi et de la solidarité parle d’elle-même. En une vingtaine d’années, le travail s’est profondément transformé tant du point de vue de son contenu que des conditions de son organisation et de sa mise en œuvre.
De plus en plus autonome, polyvalent, subjectif, le travail est définitivement sorti des cadres traditionnels de définition et de gestion hérités du taylorisme pour retourner progressivement sous le contrôle du travailleur. Pour partie tout au moins, ce dernier « reprend la main » sur les conditions de son déroulement. En retour, cette personnification du travail (qui est aussi une féminisation) s’accompagne d’une intensification de l’implication et de l’engagement de soi dont les signes de démesure sont désormais bien connus : stress, angoisse, souffrance psychique succèdent à l’abrutissement, l’épuisement physique voire au rejet, pathologies typiques du travail industriel des années 60 et 70.
Dans ces enquêtes, on note aussi que l’horizon temporel du travail s’est raccourci, aussi bien pour les ingénieurs et les ouvriers de l’industrie que pour les employés et les cadres du secteur des services. Ce qui laisse à penser que l’action de travailler ne peut se réduire à une simple question de rythmes ou de cadences imposés par le système des machines. Au temps de travail taylorien, continu et planifié, succède un temps discontinu, certes compacté mais de plus en plus dominé par des échanges sociaux non marchands, qu’ils soient de coopération ou de co-production.
Autrement dit, la temporalité du travail n’a pas seulement changé d’échelle, elle a également changé de nature ou de référentiel. Le temps de travail objectivé dans un « modèle horaire » d’organisation de la vie économique et sociale ne coïncide plus avec le temps du travail soumis à l’incertitude ou aux « caprices des flux » (Y. Clot) et des rapports interindividuels déployés au cœur même de la production.
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