S E M I N A I R E

Poésie : Inventaire des chairs perdues

Un regard du « monde » sous un autre angle, une autre manière de ressentir « les gens, les faits et les choses »....

mardi 24 mai 2005 par Andrea Inglese

Chairs de requin au poteau de cocagne,à l’échafaud de saucisses et sanglier,escaladant sur les échasses...

Chairs de requin au poteau de cocagne,

à l’échafaud de saucisses et sanglier,

escaladant sur les échasses, jabots,

tuyaux faméliques, gueules et trompes

qui cognent et rapinent, et montent

au gros lard céleste, à la bouchée, au jus

salin des entrailles, chairs écloses

pour les coups de crocs, mangetout, cavités

désirantes le convexe fruit du monde, chairs

audacieuses, mandibulaires

où êtes vous ?

Chairs vraies, indubitables,

de prédateur hominien, à toute allure

avec des mains au puce opposable,

qui sabrent des lames de silex

dans la foulée de l’ours blessé,

chairs de Tarzan, de yéti poilu

de mister Hyde, écumant

dans l’orbite folle des scalpels,

chairs sans mot, riant et hululant

dans un cercle de viols et pugilats

sans autre ciel que l’enfant

digeste ou le repas du voisin,

chairs que les spasmes remuent

fébriles du puit des viscères

au phare des chimères, des faibles

pensées carnivores, faims

profondes de Minotaure, branches

de crocs qui ne séparent pas l’os

de la pulpe, le noyau

du fruit, qui ne connaissent pas

le cru et le cuit...

Chairs élémentaires qui ont en soi,

inoffensif, le germe humain nu

et cru, bien avant la pomme cognitive,

la chute dans les retards tordus du cerveau,

avant les jeûnes et les régimes, la pitance

simulacre des chiffres et des lignes,

chairs acéphales, canon d’excréments

que serpents de fange vous rendez

à la fange dont vous jaillissez : vers

gras de tous les poisons terrestres,

d’oxydes et d’acides, de plomb et de poix,

Chairs de l’intérieur écorchées de déchets,

et scindées pour vous éparpiller

dans des tertres de selles, chairs

de bon sauvage, regrettées et convoitées...

Chairs d’incommensurable bonheur,

ne revenaient pas, demeurez là

où vous êtes, dans le mythe, l’axiome

de bande dessiné, dans le rêve usé,

nous ne gardons que les têtes de paille

qu’à feu lent vont avec tant de fumée

pour le courte boucher qui nous reste.

L’instinct résiduel est dans la coquille,

dans le point oublié du i

qu’avec zèle un correcteur supplée.

(A cause de la plus grande dose

des lumières, convenances, pédagogies

le bonheur des sens est épuisé

mais il se trompe et se fouet avec artifice

fiévreux dans le manège des prothèses :

fagoté dans sa combinaison électronique

le doux citoyen chasse le jaguar

en tournant casanier sur lui-même).


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