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Capitalisme, migrations et luttes sociales

samedi 26 novembre 2005, par Sandro Mezzadra

Il n’y a pas de capitalisme sans migrations, pourrait-on dire, et le régime de contrôle des migrations (de la mobilité du travail) qui ne cesse de s’affirmer dans des circonstances historiques déterminées, constitue une clef pour reconstruire, d’un point de vue spécifique et pourtant paradigmatique, les formes générales de soumission du travail au capital, tout en offrant un point de vue privilégié pour lire les transformations de la composition de classe.

Migrations et capitalisme : vaste question, dira-t-on ! Pour restreindre le champ de mon intervention, je voudrais inscrire mon raisonnement dans le cadre dessiné par une série de recherches sur la mobilité du travail dans le capitalisme historique (en particulier Moulier Boutang 1998, et Mezzadra 2001, chapitre 2).

Ces recherches ont montré que le capitalisme lui-même se caractérise par une tension structurelle entre d’une part l’ensemble des pratiques subjectives dans lesquelles s’exprime la mobilité du travail, et d’autre part la tentative du capital d’exercer sur elles un contrôle « despotique » à travers la médiation fondamentale de l’État. De cette tension résulte un dispositif complexe, fait à la fois de valorisation et de bridage de la mobilité du travail - et de la forme de subjectivité qui lui correspond (cf. Read 2003, en particulier chapitre 1).

Il n’y a pas de capitalisme sans migrations, pourrait-on dire, et le régime de contrôle des migrations (de la mobilité du travail) qui ne cesse de s’affirmer dans des circonstances historiques déterminées, constitue une clef pour reconstruire, d’un point de vue spécifique et pourtant paradigmatique, les formes générales de soumission du travail au capital, tout en offrant un point de vue privilégié pour lire les transformations de la composition de classe. Nous sommes nombreux à avoir développé ces dernières années la thèse d’une autonomie des migrations, formule entendant indiquer l’irréductibilité des mouvements migratoires contemporains aux « lois » de l’offre et de la demande qui gouvernent la division internationale du travail, et signifier que les pratiques et les demandes qui s’y expriment excèdent les « causes objectives » qui les déterminent. Je proposerai ici quelques considérations préliminaires - et assez schématiques - pour un approfondissement et un affinement de cette thèse, en insistant sur les conséquences qui en découlent d’un point de vue théorico-politique, à partir de la conscience que la crise de la représentation des mouvements migratoires en termes de « flux gouvernables », aujourd’hui particulièrement évidente, adresse en réalité un défi radical à toute politique migratoire centrée sur le concept et sur une perspective d’intégration (cf. Raimondi - Ricciardi 2004).

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