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ARCHITECTURE, ESPACE ET CAPTURE

mercredi 16 novembre 2005, par Anne Querrien

Le camp, la mine, l’usine, l’école, l’hôpital sont des espaces où l’humain est confronté à l’inhumain du travail et de la fonction en tant qu’ordre, contrainte, limite mortelle. L’humain comme devenir est capté, préparé, réparé, comme puissance productive condamnée au présent.

Un espace lisse se définit par son horizon, comme ouverture d’un champ au mouvement, comme lieu de déploiement d’une machine de guerre. Un espace strié, fabriqué par un pouvoir de coercition, est un appareil de capture des humains, qui peut prendre la forme intensive du bâtiment, ou la forme extensive du réseau. Le camp, la mine, l’usine, l’école, l’hôpital sont des espaces où l’humain est confronté à l’inhumain du travail et de la fonction en tant qu’ordre, contrainte, limite mortelle.

L’humain comme devenir est capté, préparé, réparé, comme puissance productive condamnée au présent. L’humain comme devenir se réfugie dans le rêve, la prière et toutes les formes de l’imaginaire. C’est ainsi qu’Ignace de Loyala, dans ses Exercices Spirituels, propose de faire advenir Dieu dans le point de contact entre le réel et le virtuel qu’est l’image mentale produite par la prière, et de lui faire quitter, provisoirement, l’horizon transcendal d’où il avait invité bâtisseurs et pélerins du Moyen Age à se surpasser dans l’érection des cathédrales et la multiplication des pélerinages et des croisades.

La plupart des gens croient que la puissance est une et ne connaît qu’un seul passage dans le réel, celui tracé par le pouvoir actuellement exercé. Les images s’affadissent alors à se répéter, sauf pour les techniciens qui en apprécient les différences de factures, les signatures. Nous cherchons plutôt dans l’espace moins un principe de stabilité comme nous le demande l’Etat ou un point de fuite comme l’exige le marché qu’un principe de coexistence, de raccord entre éléments épars, qui supporte une infinité de configurations et échappe à la tentation despotique pour accueillir la diversité réelle et faire de l’image mouvement, mémoire et création.

Depuis la fin du XIXème et la laïcisation de la société, la ville occidentale est travaillée pour assujettir la multitude à la normativité unifiante. Le pouvoir y est représenté comme espace de relations ossifiées, données, indiscutables, y compris celles de la démocratie. La prise de conscience récente de la pluralité des acteurs présents sur le territoire urbain les limite à une fonction de médiation, les enferme dans une position d’intermédiaires, de corps constitués à l’intérieur du seul horizon de la reproduction.

La puissance de la multitude à constituer de l’espace ne doit pas être explorée seulement à partir des pouvoirs de contraindre, d’asservir, d’assujettir. La machine de guerre au sens de Deleuze et Guattari est, agencement caractérisé par un mouvement d’occupation de l’espace tournoyant sur lui-même et repoussant les limites au lieu de les installer, un agencement poursuivant la tradition nomade dans son extériorité aux formes urbaines ou sédentarisées. L’art hériterait de cette fonction nomade ; et l’architecture ?

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